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En pénétrant dans l’installation sonore de Kristin Oppenheim (*1959), composée de sept séquences musicales, le visiteur se retrouve au cœur du chant. La voix a cappella conserve l’essentiel de la chanson originale : une courte mélodie et une ou deux phrases. L’artiste fait ainsi appel à la mémoire individuelle et collective en proposant un air déjà entendu et diffusé en boucle.

La voix s’approche, éveille l’attention et enveloppe en douceur. Une seconde voix, plus lointaine, se superpose à la première et élargit l’espace sonore. La spatialisation et la réverbération des voix permettent de reconnaître les distances et de prendre ainsi conscience du lieu. L’écoute est conditionnée par la manière dont la matière sonore s’inscrit dans l’espace.

Ce travail fait aussi affleurer des sensations primaires, à travers la vibration vocale, le balancement des voix, le rythme proche d’une respiration. Le corps n’est pas un simple écran où se projette une voix : c’est un organisme perméable, récepteur, qui permet de redécouvrir les propriétés tactiles du son. Pourtant, face à ce savoir vivant, une évanescence est à l’œuvre du fait de l’absence du corps qui émet ce chant épuré dans l’espace vide.

Les paroles, elles aussi, évoquent le manque et la distance vis-à-vis de l’autre : l’artiste aperçoit quelqu’un par la fenêtre dans Through an Open Window (1992), elle est délaissée dans Shiver (1992), elle en pleure dans Cry Me a River (1992), puis entonne, plus séductrice « Squeeze me tight » (Serre-moi fort) dans Starry Night (1993). Dans The Spider and I (1993), une reprise de Lesley Gore particulièrement visuelle, elle chante tous les périples qu’elle ferait par amour : « I would swim the coldest oceans, I would walk in burning sands, I would crawl across the desert with my heart held in my hands » (Je nagerais dans les océans les plus froids, je marcherais sur du sable brûlant, je ramperais à travers le désert avec mon cœur porté dans mes mains). Le titre de l’œuvre fait penser que cette voix tisse son fil dans l’espace comme une toile. 

Pour Kristin Oppenheim, les voix tiennent lieu de personnages qui accompagnent la visite. Chanter lui permet de jouer sur toute la gamme des sentiments. La mélodie favorise le développement de nuances vocales plus hantées, plus vulnérables ou plus enjôleuses. Finalement le ton et les répétitions cherchent à révéler d’autres voix, enfouies en chacun de nous. 

— Emma Dusong

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