Depuis plus de 50 ans, John M Armleder (né à Genève en 1948) déploie une pratique où l’art n’existe jamais seul, mais toujours en relation – avec l’espace, le hasard, les rencontres ou la vie quotidienne. Héritier de l’art conceptuel et de Fluxus, Armleder, refuse les hiérarchies traditionnelles et brouille les distinctions entre œuvre et décor, exposition et situation, art et vie.

« Encore(s) » rassemble les « productions ancillaires » de l’artiste : objets, éditions et créations issues d’invitations, de rencontres et de collaborations diverses. Toujours attentif, depuis le groupe Ecart, à la dimension collaborative dans son travail, Armleder fait de ces « à-côtés » non pas de simples marges, mais de véritables prolongements de son univers. A travers ces objets, souvent utilitaires (vêtements, accessoires, meubles, vaisselle), il transforme le domaine du produit dérivé en terrain d’expérimentation : ce qui est destiné à l’usage devient signe tandis que ce qui semble décoratif devient geste.

L’artiste le souligne volontiers lui-même : « Je ne suis pas pour grand-chose dans ce que je fais ; je me base toujours sur mes expériences et le matériel qui me tombe dessus. » Cette posture ou plutôt cette disposition au laisser-faire, le conduit à rejouer constamment ses pièces, qui retrouvent une actualité particulière en fonction d'un contexte, d’un public ou d'un lieu.

Installé au rez-de-chaussée du bâtiment qui accueille l’équipe du MAMCO pendant la rénovation du musée, le projet « Encore(s) » se déploie sous des modalités plurielles : boutique, intérieur privé, exposition ou tea-room. Cette logique de délégation et de déplacement traverse une grande partie de son œuvre. On la retrouve notamment dans son projet présenté au Centre Culturel Suisse à Paris en 2008, où il invita l’architecte d’intérieur Jacques Garcia à concevoir un hypothétique appartement de collectionneur en guise d’exposition. De même, la série des Furniture Sculptures, initiée dans les années 1980, part d’un constat simple : les peintures finissent souvent près d’un canapé ou au-dessus d’une cheminée. L’artiste choisit alors d’associer directement la toile et l’assise, soulignant et déjouant le destin domestique et mobilier des œuvres. Cette multiplicité des lectures possibles est constitutive de l’œuvre armlederienne : ne privilégier aucune forme, ne supposer aucune hiérarchie et tout laisser se transformer.

L'une des particularités de « Encore(s) » réside dans le fait que la quasi-totalité des objets présentés sont disponibles à la vente, soit directement du stock de l’artiste soit parce qu’il s’agit d’une nouvelle production avec le MAMCO. En plaçant le visiteur face à ces objets hybrides, John M Armleder rappelle que son art ne cesse de postuler la circulation des formes, des idées et des contextes.

• Un projet organisé par Yann Abrecht, Filipe Dos Santos, Charlotte Schaer