A la fin des années 1960, Dennis Oppenheim (1938-2011) est connu pour son travail sur le corps et pour ses interventions dans le paysage. Celles-ci ont un mode d’existence éphémère, dont les traces documentaires et photographiques, plus qu’un reliquat, rendent compte de l’intentionnalité et du processus ; l’imagination ou la capacité de projection du spectateur fait le reste. C’est après une brève interruption dans les années 1980, marquant une transition d’avec les travaux antérieurs, qu’il s’attache véritablement à proposer des sculptures pérennes, non plus dans la nature mais dans l’espace urbain. Les sculptures alors engendrées sont précédées par des dessins et des maquettes, comme le sont celles qui étaient présentées ici.
La technologie est une dimension récurrente dans l’œuvre d’Oppenheim qui déploie une énergie mesurable aussi bien dans le titre des pièces que dans la façon dont les éléments constitutifs sont connectés entre eux et apparaissent comme transformables ou dangereux. L’imbrication maîtrisée des plaques de métal assemblées de Woven Explosion (Mondrian Under Pressure) pourrait être l’embryon d’une machine infernale capable de libérer une énergie sous pression.
The Day Before Starry Night (From Vincent van Gogh) convoque la violence et l’instabilité mentale de van Gogh. Les mouvements de rotation en vrille ou en spirale, actionnés à l’électricité ou à la main, évoquent l’agitation du peintre de la Nuit étoilée. Le « X » en bois qui supporte et déverse guirlandes électriques et métalliques, plante le décor de son automutilation survenue l’avant-veille de Noël 1888. Le tremblement, qu’il soit le fait de figures animées ou d’une matière ultra-mobile, est l’une des signatures de l’œuvre : « Chez moi il n’y a pas d’approche d’un objet qui ne soit pas tremblée », disait Oppenheim.
And the Mind Grew Fingers. Extended Fortunes, titre de la rétrospective consacrée à l’artiste par P.S.1 à New York en 1992, met en avant l’idée que les formes sont une métaphore de la pensée : ici des mains mobiles géantes sont comme des plateaux de flippers sur lesquels une bille imaginaire ferait tinter les flips.
Long Distance Anger-Rubber Hose (1992) est une ronde de figurines mêlées en un réseau de relations énergétiques contrôlées, faite de tubulures entremêlées. Les pinces crocodiles métalliques pour batterie composent avec le pouvoir isolant du caoutchouc et du plastique pour matérialiser une colère retenue mais palpable.
Héritières des machines célibataires de Duchamp, des machines à produire de l’art de Roussel ou des machines auto-destructrices de Tinguely, les Machine Pieces d’Oppenheim jouent avec les points de rupture et cherchent à s’échapper des grilles formelles de l’époque.
- L’exposition, organisée par Sophie Costes, est réalisée avec des œuvres de la collection du musée