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L’artiste colombienne Emma Reyes (1919-2003) est essentiellement autodidacte, même si elle a étudié et travaillé auprès de Diego Rivera et d’André Lhote. Elle aura retenu d’eux une leçon pour la vie : conserver la spécificité de son trait et de sa culture.

Le terme de « réalisme magique », qui désigne une tendance de la littérature latino-américaine de la seconde moitié du 20e siècle, pourrait également être appliqué à la peinture d’Emma Reyes. En effet, dès qu’elle commence à représenter, au milieu des années 1950, sous l’influence d’Enrico Prampolini et dans un syncrétisme formel mêlant post-cubisme et inspirations précolombiennes, des Monstres – êtres hybrides mi-humain mi-animal –, elle insuffle à son travail une intention « animante » qui ne la quittera plus. Dans certaines sociétés animistes andines, le tissage et la broderie, donnaient vie à ce qui était représenté. Emma Reyes perpétue à sa manière cette approche : elle tisse des toiles qui vibrent de mille fils, de mille cernes qui construisent le vivant. Ce qu’elle représente n’est pas figé, mais ondoie comme des images cathodiques et est animé d’une énergie organique. 

Les tableaux exposés datent des années 1980 et du début des années 1990 : c’est sans doute à ce moment qu’Emma Reyes est la plus éloignée de l’Occident et y déploie une « cosmovision » propre à l’Amérique du sud, après avoir flirté, à Rome et à Paris, avec les « ismes » de son époque (post-Cubisme, Expressionnisme abstrait, Nouveau Réalisme et art cinétique).

D’une première série intitulée Portraits imaginaires qui sont comme tissés, en noir et blanc, dans une même étoffe primordiale, va naître, à la fin des années 1970 cette période flamboyante, qui fait ressurgir ses origines, les souvenirs de sa traversée de l’Amérique latine au tout début des années 1940 et de son séjour dans la jungle paraguayenne. Les couleurs sont vives et toujours déployées par une ligne arachnéenne qui construit les tableaux.  

Elle fait apparaitre des individus au milieu d’une végétation luxuriante, d’une jungle compagne. L’humain ainsi représenté est aussi végétal. Quand il ou elle est représentée avec un animal, un fruit dans les bras ou devant la bouche, c’est le récit de cette longue histoire de parenté qui nous est narrée. Loin d’un souhait de retour à l’état sauvage, c’est une conception décentrée de l’humain, en dialogue avec son environnement qui est appelée de ses vœux par l’artiste. 

Emma Reyes représente également des fleurs, des fruits et des légumes en gros plan, comme des corps vivants. En utilisant systématiquement des cadrages très serrés, elle transforme notre rapport à la nature, elle nous en rapproche. Comme Georgia O’Keeffe, elle appelle le regardeur à vraiment les voir. Ces portraits magistraux de fleurs et de fruits trop grands pour les cadres qui les emprisonnent, l’éloignent des préoccupations formelles de sa génération, mais lui permettent de renouer avec l’expression pleine et entière de son identité culturelle.

  • Organisée par Stéphanie Cottin, avec le soutien de la Fondation du Groupe Pictet et de la Fondation Brownstone
  • « Emma Reyes confiait en 1995 son fonds d’atelier et sa documentation au Musée d’art et d’archéologie du Périgord à Périgueux, sa ville d’adoption. Nous sommes heureux que le MAMCO, avec l’aide de Stéphanie Cottin, aient mis en lumière le travail de cette remarquable artiste. » —Véronique Merlin Anglade, Directrice du MAAP
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