N°2
Si 2017 fut une année de profondes transformations pour le MAMCO, elle marquait surtout l’émergence d’un nouveau système programmatique. Nous avons en effet refondé alors ce qui fait l’une des singularités du musée : sa capacité à se présenter comme une « exposition globale ». Nous avons ainsi interrogé les retours de l’expressivité et de la figuration entre les années 1970 et aujourd’hui (autour de Zeitgeist) ; la circulation des images et leur « corporéalité », soit les stratégies artistiques qui conduisent les images à devenir la peau liquide et informationnelle qu’elles sont depuis le début des années 2000 (autour de la rétrospective de Kelley Walker) ; et le rôle du récit dans les arts visuels (autour de la rétrospective de William Leavitt). Ce que nous avons tenté d’inventer là, c’est une forme de syntaxe historique appliquée sur toutes les présentations muséales ; c’est aussi postuler le musée comme laboratoire d’écriture collective de l’histoire d’un temps court, celui qui nous sépare des années 1960.
En 2018, nous avons non seulement poursuivi cette pratique méthodologique, mais en avons également élargi le champ temporel et géographique. A travers Die Welt als Labyrinth, une manifestation explorant les croisements du Lettrisme et de l’Internationale Situationniste et de figures telles que Ralph Rumney, Giuseppe Pinot-Gallizio et Jacqueline de Jong, nous avons voulu offrir une autre cartographie de l’art européen au sortir de la deuxième guerre mondiale. Au sein de ces mouvements, s’inventaient en effet des formes et des gestes (la création de situations, la dérive et le détournement) qui conservent, pour l’art de notre temps, toute leur pertinence.
De même, en revenant sur le mouvement « Pattern & Decoration » des années 1970-1980, nous explorons l’histoire de pratiques, à l’instar de celle de Mai-Thu Perret à qui nous consacrons une exposition monographique, qui renouent avec une dimension décorative refoulée par la modernité, revalorisent des techniques artisanales dévaluées et revendiquent une dimension féministe.
Enfin, à partir de la rétrospective de Rasheed Araeen, nous inaugurons un premier volet de notre réflexion sur l’internationalisation du corpus exposé au musée et de l’émergence d’une histoire mondiale de l’art. Comme l’écrivait l’artiste en 19891, en précurseur de la politique culturelle de diversité qui prévaut aujourd’hui dans le domaine muséal, « cette histoire est exceptionnelle. Jamais elle n’a été contée. Ce n’est pas que personne n’en était capable ; mais elle n’existait que sous forme de fragments, chacun de ces fragments affirmant son existence autonome, détachée du contexte de l’histoire collective. C’est l’histoire des hommes et des femmes qui ont bravé leur ‘altérité’ pour pénétrer dans l’espace moderne qui leur était interdit, afin non seulement de proclamer leurs revendications historiques sur cet espace, mais aussi de remettre en question le cadre qui en définissait les limites et le protégeait. » En programmant ainsi une séquence réfléchissant à cette émergence, nous cherchons, en nous exposant à ces formes, à construire d’autres outils conceptuels, d’autres catégories esthétiques, d’autres narrations de ce temps court que nous envisageons.
N°1
Le MAMCO a, depuis sa fondation, cherché une alternative à cette évolution, qui fait du visiteur un consommateur pressé de passer d’une attraction à l’autre. Souhaitant conserver le rôle de « fabrique de l’histoire » que le musée a, en d’autre temps, revendiqué, il propose, par un récit se déroulant sur une temporalité assez courte (de la décennie 1960 à nos jours), de redonner une syntaxe historique aux œuvres présentées. A chaque séquence correspond une problématique ou une question théorique que le musée, en tant que laboratoire d’écriture collective de l’histoire, s’attache à explorer et dont il présente au public l’état de sa recherche. Il articule ainsi la présentation de sa collection à l’organisation d’expositions temporaires renouvelées trois fois par année, dans un dispositif qui fait réagir les autres étages à l’exposition principale et permet de projeter le musée comme une « exposition globale » – une unité qui soit plus que la somme de ses parties. Enfin, la réunion « d’espaces d’artistes » sur le plateau du quatrième étage propose non seulement une représentation de la singularité de ses collections, faisant du protocole, de la partition et de la collaboration avec l’artiste autant de points nodaux de sa politique, mais permet également à des formes éphémères, performatives et vivantes de trouver une place au sein de ce qui semble le plus stable.